Journaliste spécialisé dans les questions liées au développement durable
Co-fondateur de l'association Climat Energie Humanité Médias et des Entretiens de Combloux.
D’abord, pas de panique si vous avez raté les 25 éditions des conférences climat de l’ONU (COP). La 26e grand-messe ressemblera à toutes les autres et se terminera par un « accord » qui ne résoudra rien.
Constatons qu’au bout de 25 éditions, on n’a pas réussi à diminuer d’un gramme les émissions mondiales de gaz à effet de serre. Si la COP climat était une entreprise, elle aurait déposé le bilan il y a bien longtemps. Mais là, non ! Aucune remise en cause, on continue comme si de rien n’était. Et donc, on se réunit à 195 pour finaliser un texte élaboré par la cohorte de diplomates du climat qui travaillent à plein temps entre les COP pour tenter d’ajouter quelques tuyaux à l’usine à gaz qu’est devenue la stratégie globale et surtout préserver les intérêts des uns et des autres, enfin surtout des plus riches, ceux qui ont les moyens de financer à leur profit cette impasse systémique.
195 ! Comme c’est une bonne idée de conclure des accords qui doivent à la virgule près être approuvés par tout le monde, les pays qui vivent des énergies fossiles, comme ceux qui vont disparaître sous l’effet de la montée des eaux liée au réchauffement climatique. Et du coup, on n’aboutit jamais à rien alors qu’on connait depuis quelques décennies toutes les conditions qui nous permettraient d’échapper à un réchauffement dont on connait également toutes les conséquences potentielles.
Quelle merveille cette démocratie onusienne qui se base sur le principe « un pays, une voix ». Parlons donc de climat : les îles Kiribati qui vont disparaître disposent du même temps de parole que la Chine ou les États-Unis. Formidable sur le principe mais complètement inefficace. Évidemment !
Il y a 11 ans, à Copenhague, Ban Ki Moon avait ouvert la COP sous mes yeux en déclarant : « Nous sommes au bord du précipice ».
Comme d’habitude, à la veille de cette COP de Glasgow, les mêmes éléments se mettent en place. Côté organisateurs d’abord, la Grande-Bretagne fait comme tous les autres pays hôtes de COP, en nous préparant à un résultat décevant : Boris Johnson avertissait le 25 octobre que la conférence s’annonçait très difficile et risquait d’échouer. On retrouve là la tendance habituelle de l’excuse post-COP : ça aurait pu être pire ! Donc, on est content ! Ben voyons.
Autre élément indispensable de toute bonne COP, la dramatisation. Antonio Guterres, le secrétaire général de l’ONU déclarait, il a deux semaines, « Nous sommes au bord du précipice ». Diantre, ça fait peur. Il y a 11 ans, à Copenhague, Ban Ki Moon avait ouvert la COP sous mes yeux en déclarant : « Nous sommes au bord du précipice ». Si la situation n’était pas si critique, on aurait le droit d’en rire !
Enfin, il y a la tendance, « C’est pas nous c’est les autres ». On découvre ainsi que Total connaissait depuis bien longtemps les problèmes liés aux énergies fossiles et a tout fait pour en minimiser les conséquences. C’est pratique un pétrolier coupable, ça rassure sur la puissance de nos démocraties, mais qui pourrait nier qu’en fait tout le monde était au courant et en premier lieu les dirigeants du monde ? Quelle hypocrisie !
La palme en ce domaine pourrait revenir sans débat à 195 à Laurent Fabius, président de la COP21 à Paris : il appelle, dans le JDD du 24 octobre(1), les États à « passer à l’action ». Mais que ne l’a-t-il pas fait en 2015 ?? Personne n’ose dire que cet accord de Paris est bidon. Quelques semaines avant cette conférence, François Hollande et son conseiller Nicolas Hulot clamaient haut et fort que l’on jugerait du succès de la COP21 au prix donné au carbone. Aucun prix n’a été donné, aucun système de surveillance n’a été créé, aucune avancée n’a été réalisée sur l’essentielle question des réfugiés climatiques. Mais ce n’était pas le but : rappelons que si cette conférence s’est déroulée à Paris, c’est parce qu’il s’agissait de placer François Hollande au centre de la photo réunissant les chefs d’État du monde entier dans la cadre d’une campagne électorale pour un second quinquennat. Et quoi qu’il en coûte pour le climat, un accord à Paris était obligatoire. À quoi ça tient le climat…
Allons-nous encore longtemps faire semblant de croire que ces COP vont nous permettre de sortir de l’enfer qui s’annonce ? Je n’y crois pas une seconde ! Alors, échouez chers négociateurs de l’immobilisme. Il nous faut imaginer un autre cadre pour avancer, un sursaut des pays responsables du réchauffement, l’engagement sans ornières des ONG, des entreprises et des financiers, la mobilisation de la jeunesse, des scientifiques et des ingénieurs, et de tous ceux qui aiment et veulent respecter cette petite planète et tous ses habitants.
Utopique ? Oui complètement mais comme le rappelait Théodore Monod, « l’utopie n’est pas ce qui est irréalisable, c’est ce qui n’est pas encore réalisé ».