COP26 à Glasgow : le point à mi-parcours

Christian de Perthuis

Professeur d’économie à l’université Paris-Dauphine - PSL

Fondateur de la Chaire Économie du Climat

Si on jaugeait la réussite d’une COP au nombre de ses participants, Glasgow serait un énorme succès. La conférence a réuni pratiquement 10 000 participants de plus que celle de Paris en 2015. Mais ce n’est pas la bonne jauge. Les COP durent deux semaines. L’année en compte 52. C’est ce qui se passe entre les COP, soit plus de 96% du temps, qui compte vraiment pour l’action climatique. Quand la conférence refermera ses portes, les délégués prendront le chemin du retour vers leurs pays respectifs. Qu’est-ce que la COP26 aura pu changer ? Un point rapide à mi-parcours.

Deux points déterminants pour la suite des négociations

Une révision significative de l’ambition des contributions nationales serait une sorte de miracle. Avec le report de la conférence pour cause de COVID, les pays ont eu deux ans pour réviser ces contributions. Est-il raisonnable d’attendre qu’ils le fassent en une semaine ? On peut croire aux miracles. Il ne faut pas compter sur eux pour accélérer l’action climatique.

Restent deux points sur lesquels va se focaliser la négociation durant la dernière semaine. Ils seront assez déterminants pour la suite des négociations :

  • Les transferts de ressources vers les pays moins avancés.  Lors de la COP15 à Copenhague en 2009, les pays développés s’étaient engagés à mobiliser, à partir de 2020, « 100 milliards de dollars par an » de financements publics et privés en faveur des pays en développement pour financer leurs actions de lutte contre le changement climatique(1). D’après le dernier bilan de l’OCDE, il manque 20 milliards de dollars pour atteindre la promesse des 100 milliards de dollars. Provisionner ces 100 milliards est une condition impérieuse pour intégrer les pays moins avancés dans les prochaines étapes de la négociation ;
     
  • Les mécanismes de tarification carbone. De tels mécanismes permettraient d’accélérer la sortie des énergies fossiles en renchérissant leurs coûts et en réorientant les flux financiers. Ils pourraient également constituer une source additionnelle pour crédibiliser l’engagement de transfert des 100 milliards de dollars.

Les discussions promettent d’être âpres dans ces deux domaines. Elles conditionnent largement la suite du processus de négociation et la possibilité de rehausser demain l’ambition des contributions nationales.

L'initiative des États-Unis et de l'Union européenne sur le méthane

Parmi les nombreuses initiatives mises en lumière durant la première semaine de la COP26, celle sur le méthane est prometteuse(2). Pour rappel, les États-Unis et l’Union européenne avaient annoncé en septembre 2021(3) une initiative conjointe visant à réduire de 30% les émissions mondiales de méthane d’ici à 2030 par rapport au niveau de 2020. Le 2 novembre à Glasgow, il a été annoncé que 103 pays au total avaient rejoint l’initiative (dont les 27 membres de l’Union européenne)(4).

C’est une excellente nouvelle mais l’initiative restera d’une portée limitée si elle n’est pas rejointe par la Chine l’Inde et la Russie, les plus grands émetteurs de ce gaz dans le monde avec les États-Unis(5). D’autres gros émetteurs manquent à l’appel (Australie et Iran si on se limite au top 10, voir infographie ci-après). Les partenaires de l’initiative ne couvrent ainsi qu’environ 40% des émissions mondiales de méthane.

L’élargissement du partenariat est donc une première condition de sa réussite. La seconde concerne le type d’action qui permettra d’atteindre l’objectif affiché de réduction de 30% des émissions d’ici 2030. À ce stade, seuls les États-Unis et l’Union européenne ont fourni des indications sur ce qu’ils comptaient faire. Dans les deux cas, cela passe par un renforcement des régulations qui devrait être opérationnel à partir de 2023 (dans le meilleur des cas). Pour que le partenariat morde réellement sur les émissions, il faudra que les autres gros émetteurs de la coalition (Brésil, Indonésie, Nigéria) précisent également les moyens réglementaires et financiers qu’ils peuvent mobiliser.

Global Methane Pledge

Les enjeux agricoles

Enfin, on peut regretter que les enjeux agricoles(6) ne soient pas plus présents dans les discussions. Durant la première semaine, l’indice FAO des matières de base agricole a encore progressé de 3%. Cette flambée des prix agricoles alerte sur la fragilité de la sécurité alimentaire, les impacts croissants du réchauffement et l’urgence d’accélérer la transition agroécologique.

Sources / Notes
  1. Mobiliser 100 milliards de dollars par an d'ici 2020, Ministère de l'Économie, des Finances et de la Relance.
  2. COP26 : l’initiative US/UE sur le méthane, site de Christian de Perthuis.
  3. Joint EU-US Press Release on the Global Methane Pledge, 18 septembre 2021.
  4. Launch by United States, the European Union, and Partners of the Global Methane Pledge to Keep 1.5C Within Reach, 2 novembre 2021.
  5. Les émissions de méthane sont plus difficiles à estimer que celles de CO2 d’origine énergétique. Leur montant exact fait l’objet de débats très techniques. Nous reprenons ici les chiffres fournis par l’étude de l’agence néerlandaise de l’environnement (PBL) conduite en partenariat avec le centre de recherche de l’Union Européenne (JRC) : Trends in global CO2 and total greenhouse gas emissions.
  6. L’inquiétante flambée des prix des matières agricoles, site de Christian de Perthuis.

Cet article est issu de deux publications du site de Christian Perthuis accessible ici.

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