Coûts de production de l’électricité en France (données à fin 2013)

Turbine d'une centrale électrique (©photo)

Définition et catégories

Les coûts de production de l’électricité constituent plus d’un tiers du prix final de l’électricité que paient les consommateurs particuliers en France. Ces coûts pèsent également sur les finances des industriels (et donc sur leur compétitivité), notamment des électro-intensifs. Plus largement, ils ont une incidence sur l’économie du pays.

A l’heure actuelle, les centrales nucléaires sont les installations qui produisent des MWh au coût le plus faible(1). La volonté de diversifier le mix électrique national implique l’intégration de filières moins matures et actuellement plus coûteuses.

Dans cette fiche, nous préciserons des fourchettes de coûts de production estimés pour les différentes filières du secteur de l’électricité. Ces données qu’il convient d’actualiser fréquemment permettent de distinguer les filières compétitives et celles nécessitant des dispositifs de soutien pour leur développement.

Estimations des coûts de production par filière en France

Les coûts de production indiqués ci-dessous correspondent aux coûts de production moyens supportés par un investisseur durant toute la vie économique de son installation. Ils dépendent notamment des paramètres suivants :

  • les coûts d’investissement (hors raccordement) : matériel, génie civil, aléas, démantèlement ;
  • les coûts d’exploitation et de maintenance comprenant les coûts de combustible lorsque celui-ci est acheté (ce qui n’est par exemple pas le cas du vent ou du soleil) ;
  • le taux d’actualisation, c'est-à-dire le taux de rendement attendu qu’il serait possible d’obtenir en investissant ailleurs le même capital ;
  • le niveau de production : on retiendra dans les données qui suivent des conditions « raisonnablement favorables » ;
  • la durée de vie économique de l’exploitation.

Le coût du CO2 est intégré dans ces estimations sur la base de 14 € la tonne. Notons que la prise en compte d’autres externalités comme les impacts sur les réseaux et sur l’équilibrage offre/demande modifierait les coûts annoncés.

(en € / MWh) UFE / DGEC
(dernièeres données actualisées pour 2011)
Énergies 2050
(rapport février 2012)
Cour des comptes
(janvier 2012 pour le nucléaire, juillet 2013 pour les renouvelables)
Tarif d'achat
(au 1er septembre 2013)
Part de la production énectrique française
(en 2012)
Nucléaire 42,3 56 49,5   74,8%
Hydroélectricité 55   43-188 60,7 durant 20 ans
+ primes pour les petites installations
11,8%
CCGT gaz 61 69     4,3%
Éolien terrestre 65 73 62-102 82 durant 10 ans puis 28 à 82 durant 5 ans selon les sites 2,8%
Charbon 66 67     3,3%
Fioul 86       1,2%
Éolien offshore 143 102 87-116 130 durant 10 ans puis 30 à 130 durant 10 ans selon les sites 0,0%
Photovoltaïque 217 150 114-547 117 à 425 selon les sites 0,7%

Coûts de production des principales filières produisant de l'électricité en France en 2012 (coût estimé pour l'éolien offshore) ©DR

En France, la dernière analyse complète sur les coûts de production de l’ensemble des filières en France métropolitaine a été réalisée par la Direction Générale de l’Energie et du Climat (DGEC) en 2008. L’UFE (Union française de l’électricité) a depuis actualisé certaines de ces données(2). Elle estime le coût de l'électricité produite à partir de biomasse à 170 €/MWh.

Précisions sur la variabilité des coûts

  • Maturité des technologies 

Les coûts de production des énergies les moins matures fluctuent et sont très difficiles à estimer, tout comme les coûts de nouvelles unités de production comme l'EPR. Par exemple, le tarif de rachat de l’électricité(3) issue de l’éolien offshore est aujourd’hui fixé à 130 €/MWh. Les estimations des coûts de production des lauréats du 1er appel d’offres sur l’éolien en mer sont en contradiction avec ces données et dépassent 200 €/MWh. De même, le tarif de rachat de l’électricité produite par les énergies marines (hydroliennes, houlomoteur, etc.) est actuellement fixé à 150 €/MWh durant 20 ans. Les industriels estiment toutefois que le coût de production actuel de ces énergies est compris entre 250 et 400 €/MWh.

Les coûts de production à partir d’une même énergie peuvent fortement varier d’une unité de production à une autre, notamment en raison de facteurs de charge différents. La Cour des Compte estime ainsi les coûts de production d’une centrale photovoltaïque au sol de 2,5 MWc  entre 114 et 214 €/MWh si cette centrale est située dans le sud de la France et entre 195 et 365  €/MWh si elle est située dans le nord du pays.

  • Tendances d’évolution des coûts de production

Parmi les tendances d’évolution des coûts de production, notons :

  • une baisse dans le cas des énergies renouvelables, variable selon les énergies concernées ;
  • une baisse dans le cas des centrales au gaz en raison du coût plus faible du combustible, en partie sous l’effet de l’exploitation des gaz de schiste aux États-Unis. Cela implique que ces centrales soient exploitées un minimum d’heures (ce qui est peu le cas en Europe à l’heure actuelle en raison de la surproduction d’origine renouvelable qui tire les prix vers le bas) ;
  • une hausse dans le cas du nucléaire, énergie pour laquelle des investissements supplémentaires en termes de sécurité doivent être réalisés par les exploitants suite à un renforcement des règles de sécurité.

Selon les données de l’UFE, le coût du MWh éolien terrestre est approximativement 50% plus élevé que celui du MWh nucléaire et moins de 3 fois plus faible que celui du MWh photovoltaïque.

Origine des différences de coûts entre les filières

Les coûts de production des différentes filières varient fortement en fonction de la durée de fonctionnement d’une unité. Cela se vérifie autant dans le cas des centrales « traditionnelles » (une centrale à gaz très performante mais peu sollicitée n’est pas forcément rentable) que dans celui des unités de production renouvelable intermittente, celles-ci ayant un facteur de charge limité par les conditions météorologiques.

Dans son étude de 2008, la DGEC distingue les moyens de production « centralisés » (principalement les centrales nucléaires, au gaz et au charbon) des unités de production « décentralisées » (éoliennes, panneaux photovoltaïques, etc.) :

  • dans la catégorie des moyens de production centralisés, il est montré que les coûts fixes d’une centrale nucléaire (en particulier les coûts d’investissements) sont bien supérieurs à ceux d’une centrale au gaz ou à charbon. En revanche, les coûts variables (par exemple les coûts d’exploitation et de combustible) sont bien plus compétitifs dans le cas du nucléaire. Pour être davantage compétitive qu’une centrale à gaz ou au charbon, une centrale nucléaire doit actuellement fonctionner plus de 6 000 heures par an selon la DGEC. En 2012, le parc nucléaire français a fonctionné en moyenne 6 414 heures à pleine puissance, d’après les données du gestionnaire du réseau de transport d’électricité RTE ;
  • dans la catégorie des moyens de production décentralisés, il convient de distinguer les énergies renouvelables n’incluant pas de coûts de combustible (eau pour l’hydroélectricité, vent pour l’éolien, soleil pour le photovoltaïque) de celles nécessitant un combustible comme la biomasse.

Par ailleurs, de nouveaux coûts dits « externes », par exemple l’évaluation de coûts environnementaux, sont de plus en plus intégrés dans le calcul des coûts de production. La prise en compte du prix du CO2 (déjà inclus plus haut) fait notamment varier le coût de production des différentes filières. La séquestration du carbone serait une technique rentable à partir de 30 euros la tonne de CO2 selon des premières estimations.

Enjeux

Les coûts de production de l’électricité ont un impact significatif sur l’économie. Ils déterminent en partie les prix finaux de l’électricité et pèsent donc sur l’activité des industriels, notamment des gros consommateurs dits « électro-intensifs » ainsi que sur le pouvoir d’achat des particuliers. Lorsque ces derniers consacrent plus de 10% de leurs ressources à leurs dépenses énergétiques, on dit qu’ils sont en situation de « précarité énergétique ». Des tarifs sociaux existent afin de soutenir ces foyers.

La question des tarifs d’achat de l’électricité en faveur de certaines filières renouvelables constitue un enjeu particulièrement sensible. Selon certains analystes, ces tarifs n’incitent pas les producteurs à chercher à baisser les coûts de production dès lors qu’ils disposent d’un tarif garanti. Or, c’est le consommateur final qui en supporte la charge in fine via la CSPE. Ce tarif d’achat garanti peut aussi, selon eux, inciter des installateurs à développer des parcs surdimensionnés sans réel besoin comme cela a récemment été le cas en Allemagne avec le photovoltaïque.

D’autres soutiennent qu’une filière non compétitive (comme le photovoltaïque) doit bénéficier d’un tarif de rachat garanti. Ce soutien leur paraît être une étape nécessaire pour permettre à la filière d’atteindre de meilleures performances et une plus grande maturité. Notons que l’on parle de « parité réseau » lorsque le coût de production d’une filière atteint le niveau de prix de vente du MWh sur le marché de gros.

Impact sur les prix de gros

Sur les marchés de gros, le prix du MWh varie en fonction des unités de production qui ont permis de le produire. Selon la logique du « merit order », les centrales sont appelées par ordre de coûts marginaux croissants. On parle de prix du MWh de « base » lorsque la demande est faible et que des unités de production peu coûteuses sont appelées (période correspondant aux « heures creuses ») et de prix du MWh de « pointe » lorsque la demande est forte (« heures pleines »). Les énergies renouvelables intermittentes sont injectées de façon prioritaire sur le réseau dès lors que leur coût marginal est considéré comme nul.

Au 4e semestre 2012 sur EPEX Spot, bourse française de l’électricité, le prix du MWh se négociait en moyenne entre 46,5 € (en base) et 59 € (en pointe).

Part des coûts de production dans le prix final

Les coûts de production constituent 37,3% du prix final payé par les consommateurs particuliers (marge du producteur incluse) en 2013.

Aux coûts de production s’ajoutent deux grandes charges dans la facture d’électricité des consommateurs finaux :

  • les coûts d’acheminement via les réseaux de transport et de distribution (TURPE) qui participent à près d’un tiers du prix final de l’électricité ;
  • l’ensemble des taxes et contributions qui constituent schématiquement un autre tiers du prix final dont s’acquittent les consommateurs. Incluse dans ce poste, la CSPE (Contribution au Service Public de l’Électricité) prend entre autres en charge les surcoûts résultant de l’obligation d’achat par les fournisseurs de l’électricité produite à partir d’énergies renouvelables et de la cogénération.

Le prix final dont s’acquitte le consommateur inclut ces coûts de production ainsi que la marge du producteur, les coûts d’acheminement (transport et distribution), de fourniture (charges du fournisseur d’électricité) et les taxes. (©DR)

Le prix final dont s’acquitte le consommateur inclut ces coûts de production ainsi que la marge du producteur, les coûts d’acheminement (transport et distribution), de fourniture (charges du fournisseur d’électricité) et les taxes. (©DR)

Certains consommateurs industriels s’affranchissent d’une partie de ces coûts : ils peuvent notamment être reliés directement au réseau de transport d’électricité et non au réseau de distribution, ce qui permet de réduire les coûts d’acheminement (TURPE). La fiscalité peut également être plus avantageuse. Par conséquent, les coûts de production constituent une part plus importante du prix dont ils s’acquittent (par rapport au cas des particuliers).

Chiffres clés

  • Un consommateur ayant souscrit un tarif réglementé avec un faible niveau de puissance auprès de l’opérateur historique EDF (particulier ou « petit » professionnel au tarif bleu) paie en moyenne 132,9 €/MWh (août 2013).
  • Un particulier soumis au tarif réglementé bleu paie en moyenne 375 €/an, abonnement compris (selon la CRE avec une consommation annuelle de 2,4 MWh et une puissance souscrite de 6 kVA).
  • La CSPE incluse dans les factures d’électricité atteint 13,5 €/MWh à cette date.

En Europe

Comparatif du prix du kWh pour les particuliers en Europe en euros au 2e semestre 2012 (©DR)

Comparatif du prix du kWh pour les particuliers en Europe en euros au 2e semestre 2012 (©DR)

Futur

Le rapport de la Commission Énergies 2050 délivre des estimations des coûts de production de l’électricité à l’horizon 2030 en fonction de différents scénarios énoncés en France (la répartition du mix électrique est indiquée dans chaque cas). (©DR)

Le rapport de la Commission Énergies 2050 délivre des estimations des coûts de production de l’électricité à l’horizon 2030 en fonction de différents scénarios énoncés en France (la répartition du mix électrique est indiquée dans chaque cas). (©DR)

dernière modification le 24 septembre 2013

Sources / Notes
  1. Compte tenu de l’amortissement historique du parc français.
  2. Le taux d’actualisation prix en compte dans les données de la Cour des Comptes sur les énergies renouvelables est de 8%.
  3. Obligation d’achat des énergies renouvelables

Rapport Énergies 2050, sous la direction de Jacques Percebois et Claude Mandil
Union Française de l'Électricité
Site de la CRE
Synthèse publique de l’étude des coûts de référence de la production électrique

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