Plateforme offshore de Lunskoye, dont la capacité de production atteint près de 50 millions de m3 de gaz par jour (©Gazprom)
Définition
Gazprom (acronyme de Gazovaïa Promychlennost : « industrie gazière ») est le premier producteur et exportateur de gaz dans le monde. Avec un chiffre d’affaires de 118,7 milliards de dollars en 2011, c’est également la première entreprise russe. Le groupe est présent sur l’ensemble la chaîne gazière avec pour principales activités l’extraction et le transport de gaz naturel. Il se développe également sur les marchés du pétrole et de l’électricité.
Gazprom n’est plus une société publique depuis 1992 mais reste étroitement lié au pouvoir politique russe, l’État étant actionnaire majoritaire du groupe. A ce titre, Gazprom est considéré comme un acteur central des relations géopolitiques de la Russie.
Contrôlant plus de 80% de la production de gaz russe, le groupe cherche en priorité à poursuivre son expansion à l’international. Les marchés européens lui assurent en particulier des revenus plus conséquents et plus stables que le marché intérieur russe. Le groupe se retrouve en 2014 au cœur d'une nouvelle crise en Ukraine qui tend ses relations avec ses homologues européens.
Activités
Production de gaz et de pétrole
En 2011, Gazprom a produit 513,2 milliards de m3 de gaz naturel, ce qui constitue près de 15,7% de la production mondiale de gaz. Près de 93% de la production gazière du groupe est issue de ses gisements dans l’Oural, district fédéral situé dans le centre de la Russie, à l’ouest de la Sibérie. Le groupe poursuit parallèlement ses activités d’exploration dans toute la Russie, en particulier dans les zones arctiques, afin d’accroître ses capacités de production.
Dans une moindre mesure, Gazprom exploite également du pétrole et des condensats de gaz via sa filiale Gazprom Neft. Celle-ci a produit 32,3 millions de tonnes de pétrole en 2011 (soit 0,8% de la production mondiale), ce qui fait de Gazprom le 5e producteur russe. Notons que Gazprom Neft exerce aussi une activité de raffinage. Cette société a notamment produit 11,5 millions de tonnes de gazole en 2011, contribuant ainsi aux exportations russes vers la France(1).
Transport et stockage de gaz naturel
Gazprom dispose du plus grand réseau de distribution de gaz au monde. Appelé UGSS (Unified Gas Supply System), celui-ci se compose, à fin 2011, de près de 165 000 km de gazoducs. Il parcourt la Russie et les anciens pays satellites de l’URSS jusqu’en Europe occidentale. Gazprom a la volonté de maîtriser l’ensemble de la chaîne gazière afin d’acheminer le gaz jusqu’aux consommateurs finaux. Ce réseau est emprunté, dans de faibles proportions (près de 10% des flux de gaz) par d’autres producteurs gaziers (26 en 2011), sociétés indépendantes russes ou provenant d’Asie centrale.
Construit à partir des années 1970, le réseau géré par Gazprom continue de s’agrandir à travers différents projets, aux stades de développement variables. Citons ici :
- Nord Stream : gazoduc offshore en service(2) de deux tronçons de 1 224 km reliant la Portovaya Bay (à côté de Vyborg, en Russie) aux côtes allemandes, près de Greisfwald. Ces deux canalisations traversent la mer Baltique afin de réduire le nombre de pays de transit et d’assurer l’approvisionnement en minimisant les risques de blocage. Elles ont chacune une capacité d’acheminement maximale de 27 milliards de m3 de gaz par an, soit l’équivalent des 2/3 de la consommation française en 2011. Gazprom détient 51% des parts du consortium en charge de l’activité du gazoduc Nord Stream AG, le groupe GDF Suez est également actionnaire avec 9% des parts ;
- South Stream : projet de gazoduc qui devrait relier à l’horizon 2015 la Russie à l’Europe occidentale en contournant l’Ukraine par le sud de l’Europe. Il devrait avoir une capacité d’acheminement maximale de 63 milliards de m3 de gaz par an. Une portion de 900 km de ce gazoduc doit être construite à travers la Mer Noire. La société South Stream AG, détenue à parts égales par Gazprom et l’italien ENI, a constitué le consortium South Stream Transport AG pour la construction de cette portion offshore du gazoduc. Le groupe EDF en fait partie et détient 15% des parts(3).
Réseau UGSS (©Gazprom)
Au sein de son réseau d’acheminement de gaz, Gazprom dispose également d’importantes capacités de stockage - 65,2 milliards de m3 - réparties entre 25 sites souterrains en Russie. Celles-ci peuvent satisfaire jusqu’à 30% de la demande russe de gaz durant les vagues de froid.
Fourniture de gaz naturel
Gazprom vend actuellement plus de la moitié de son gaz auprès des consommateurs russes. En Europe, le groupe conclut des contrats d’approvisionnement de long terme avec des partenaires historiques tels que GDF Suez en France, OMV en Autriche, ou BASF en Allemagne qui assurent ensuite la distribution de gaz dans leurs pays. La filiale de Gazprom en Allemagne, Gazprom Germania GmbH, est propriétaire des actifs du groupe en Europe (ex : filiale Gazprom Marketing and Trading Limited basée à Londres). Elle est notamment associée en Allemagne à Wintershall, principal groupe pétro-gazier du pays au sein de Wingas(4), entreprise de transport, de stockage et de distribution de gaz (dont chacun des 2 groupes possède chacun 50% des parts).
©2012 d'après données de Gazprom
Production d’électricité et trading d’énergie
A fin 2011, Gazprom possède une capacité de production électrique de près de 37 GW, soit 17% des capacités électriques installées en Russie. Cette capacité de production correspond approximativement à la moitié de la puissance installée du groupe EDF. Elle est répartie entre 81 centrales électriques, principalement des centrales à gaz. Le groupe achète et vend également de l’électricité (80 TWh de ventes en 2011, soit près de 15% de la production nette d’électricité en France). En juin 2012, Gazprom a conclu avec EDF un accord de coopération afin de produire conjointement de l’électricité en Europe à partir de centrales à gaz. L’accord prévoit également la co-construction de centrales ainsi que l’acquisition d’unités existantes.
Autres activités (hors énergie)
Outre ses activités relatives à l’énergie, Gazprom possède des filiales(5) dans les secteurs des banques (Gazprombank, 3e banque russe), des médias (Gazprom Media), de la construction ou encore de l’agriculture.
Enjeux par rapport à l'énergie
La mise en production de nouveaux champs
En misant sur une demande intérieure soutenue et des conditions favorables sur les marchés internationaux, Gazprom envisage de porter sa production à 660 milliards de m3 par an d’ici à 2020 (soit à un niveau en hausse de 29% par rapport à 2011).
Dans cette optique, le groupe mise sur l’exploitation de gisements prometteurs. Par exemple, dans la péninsule de Yamal en Sibérie occidentale, le groupe espère produire 310 à 360 milliards de m3 de gaz par an à l’horizon 2030. Gazprom estime ses réserves explorées dans la région à près de 16 000 milliards de m3, soit l’équivalent de plus de 7,7% des réserves prouvées dans le monde. A l’est, le groupe veut également développer des gisements en Sibérie orientale et en Extrême-Orient (île de Sakhaline).
Fin août 2012, le groupe a gelé le projet de Shtokman, gisement en Arctique dont les réserves de gaz sont estimées à 3 900 milliards de m3, afin d’approfondir l’étude de ses coûts (30 milliards de dollars). Fin juillet, le norvégien Statoil avait transféré ses parts (24%) à Gazprom, Total restant actionnaire à 25% du projet.
Au sud de la Russie, les marchés d’Asie centrale - principalement le Turkménistan, ainsi que le Kazakhstan et l’Ouzbékistan- pourraient permettre à Gazprom d’assurer ses approvisionnements en cas de problème de production à partir de ses propres gisements. A fin 2011, ces trois pays cumulés possèdent près de 13,4% des réserves prouvées de gaz dans le monde, soit davantage que le Qatar, pays disposant des 3e plus importantes réserves dans le monde.
Un accès sûr et durable vers le marché européen
Encouragé par la libéralisation des marchés de l’énergie au sein de l’Union européenne, le groupe ambitionne de commercialiser son gaz directement auprès des consommateurs finaux en Europe occidentale. Les lourds investissements à venir de Gazprom, tant dans la mise en exploitation de gisements que dans les infrastructures de transport, exigent que Gazprom sécurise ses fournitures de gaz vers l’Europe. Gazprom a vendu son gaz en 2011 près de 3,5 fois plus cher à ses clients européens que sur le marché intérieur russe.
En janvier 2006 et janvier 2009, Gazprom a connu « deux crises du gaz » avec l’Ukraine, suite à des différends sur les prix à payer par l’ancien pays satellite. Celles-ci ont perturbé l’approvisionnement en gaz des pays européens. C’est pour sécuriser son accès aux clients d’Europe occidentale que Gazprom a engagé les projets de gazoducs Nord Stream et South Stream. Depuis février 2014, une nouvelle crise avec l'Ukraine affecte les relations entre la Russie et l'Union européenne, sur fond de contrats gaziers.
Gazprom reste toutefois un fournisseur incontournable de l'Union européenne(6) : la Russie lui fournit près d’un quart de ses importations en gaz et l’intégralité de l’approvisionnement de certains pays proches comme la Finlande ou la Slovaquie. Gazprom cherche également d’autres débouchés vers l’Asie (Chine, Corée du Sud et Japon) et l’Amérique du Nord.
Notons toutefois que l’exploitation du gaz de schiste a un effet significatif sur les prix du gaz, en particulier sur le marché américain (prix spot divisés par 2 entre janvier 2010 et septembre 2012)(7). Elle risque par effet domino de faire peser sur Gazprom de fortes pressions à la baisse de ses prix, y compris en Europe dans le cadre de ses contrats à long terme.
Un facteur clé des relations géopolitiques de la Russie
Historiquement lié au pouvoir politique russe (voir ci-dessous), Gazprom est le principal acteur financier du pays. Le groupe génère près d’un quart des recettes budgétaires de l’État. Son chiffre d’affaires représente en 2011 près de 6,3% du PIB russe (1 885 milliards de dollars selon le FMI).
D’un point de vue géopolitique, le gouvernement russe fait de l’énergie un facteur structurant de ses relations avec ses partenaires internationaux. Le terme de « géo-économie » est d’ailleurs parfois employé pour caractériser la stratégie de Gazprom. Les relations entre le groupe russe et l’État sont étroites, comme en témoigne la hiérarchie de Gazprom. Son directeur général, Alexeï Miller, était le vice-ministre russe en charge de l’énergie avant sa nomination à la tête du groupe.
Notons que les connexions avec les milieux politiques dépassent le cadre russe. En 2005, Gerhard Schröder avait été vivement critiqué lorsqu’il était devenu président du comité d’actionnaires du gazoduc Nord Stream, peu de temps après avoir quitté son poste de chancelier et avoir soutenu politiquement le projet de gazoduc.
Acteurs majeurs
A fin 2011, l’État contrôle 50% plus 1 action (soit 50,002%) du capital de Gazprom dont près de 38,4% directement et 11,6% via d’autres sociétés.
Le groupe emploie près de 404 400 personnes à fin 2011, soit presque 2 fois plus que GDF Suez (218 350 salariés) et autant que les groupes français EDF, Total, Alstom et Areva réunis.
Unités de mesure et chiffres clés
- Au 31 décembre 2011, Gazprom évalue ses réserves de gaz (selon la classification russe A+B+C1) à près de 35 000 milliards de m3, soit 16,8% des réserves mondiales. Ces réserves pourraient, au rythme actuel, maintenir la production gazière du groupe pendant 68 ans.
Zone de présence
Principaux pays important du gaz naturel de Gazprom en 2011
En Europe, le plus gros client de Gazprom est l’Allemagne avec 34 milliards de m3 de gaz achetés en 2011 (France : 9,5 milliards de m3, soit près de 23% de la consommation française de gaz).
Moyennes de prix du gaz vendu (hors taxes et droits de douane)
Historique
En 1965 est créé le ministère soviétique de l’industrie gazière, en charge des activités de prospection, d’extraction, de transport et de distribution de gaz naturel. En 1989, celui-ci est transformé en groupement d’État pendant la perestroïka, devenant Gazprom State Gas Concern. Suite à l’éclatement de l’Union soviétique, Gazprom perd près d’un tiers de ses gazoducs, au profit des républiques indépendantes.
Fin 1992, un décret présidentiel transforme le groupe en une société par actions, Gazprom. Le groupe est privatisé, tout en restant sous le contrôle de l’État. Il prend le nom de Gazprom Open Joint Stock Company en 1998. En 2005, l’État augmente ses parts dans le groupe, de 38% à 51%, devenant ainsi majoritaire. Le marché des 49% des actions restantes est libéralisé par la suite. Ces formes fluctuantes de propriétés témoignent de la volonté de l’État russe de conserver le contrôle de la principale société nationale.