La route solaire : une idée lumineuse ou une gabegie sans avenir ?

Olivier Appert, Ancien président Directeur général d’IFP Énergies nouvelles

Conseiller du Centre Énergie & Climat de l'Ifri
Membre de l’Académie des technologies

Fin 2015, la société Colas lance l’idée de produire de l’électricité par des panneaux solaires sur les routes. L’invention consiste à recouvrir les panneaux solaires d’un film de résine protectrice de quelques millimètres. Elle résulte de travaux réalisés dans les laboratoires de l’INES à Chambéry sur une piste de 10 mètres de long et est protégée par deux brevets. Cette idée n’est pas nouvelle : elle est développée depuis 10 ans par la société américaine Solar Roadways et il existe déjà aux Pays-Bas une piste cyclable solaire de 70 mètres de long.

La ministre de l’environnement trouve qu’il s’agit d’une idée lumineuse et tweete le 31 janvier 2016 : « La route solaire, innovation française sera installée sur 1 000 km en France. Grands travaux ».  Les initiatives se succèdent à un rythme élevé.  Le 3 juin, la ministre inaugure en Vendée 50 m2 de route solaire sur un parking (coût : 160 000 € financés par le Conseil Général). Et le 22 décembre, elle inaugure dans l’Orne une route solaire d’un kilomètre (surface de 2 800 m2). Le financement est assuré par une subvention de 5 millions d’euros. Dans son discours d’inauguration, la ministre vante « une première mondiale dont le potentiel est infini ».

Baser le déploiement d’une technologie sur des subventions publiques durables n’est assurément pas durable !

On peut s’interroger sur l’empressement à lancer projet sur projet alors que la technologie est encore peu mature. Dans les recherches technologiques de ce type, il convient de valider la technologie avant de se lancer dans des démonstrations coûteuses de grande taille. Cela permet en outre de profiter des retours d’expérience sur les pilotes. Dans ce cas, il est en particulier indispensable de vérifier en condition réelle les coûts de maintenance, notamment liés à l’encrassement des panneaux, ainsi que la durée de vie des panneaux soumis à des contraintes fortes (poids des véhicules, conditions météorologiques).

Il faut se rappeler qu’une innovation est une invention qui a trouvé son marché. Il est vrai que la technologie peut tout ou presque à condition de ne pas aller à l’encontre des lois scientifiques. Mais baser le déploiement d’une technologie sur des subventions publiques durables n’est assurément pas durable!

A l'évidence, mettre des panneaux solaires sur les routes n’est pas la meilleure valorisation de l’énergie solaire.

Or le coût de la route solaire est considérablement plus élevé que celui du solaire photovoltaïque en toiture : 17 € /W crête, soit 10 fois plus cher. Certes les promoteurs de la technologie envisagent un coût de 6€/W mais cela conduit à un coût de l'électricité produite de 600€/MWh (sur la base d’une production sur 1 000h par an et d’une durée de vie du revêtement de 10 ans), soit 5 à 10 fois plus cher que l’éolien terrestre. Par ailleurs, il est nécessaire de prendre en compte des contraintes spécifiques liées au raccordement au réseau électrique et au stockage. Dans ces conditions, quel est le surcoût du déploiement accéléré d’une technologie non mature? Quel est le coût pour le consommateur d’électricité via la CSPE, quel est le coût pour le contribuable via les subventions ?

A l’évidence, mettre des panneaux solaires sur les routes n’est pas la meilleure valorisation de l’énergie solaire. Implanter des panneaux sur des surfaces existantes est beaucoup moins cher et plus productifs : à noter qu’une inclinaison des panneaux de 30° vers le soleil améliore fortement le rendement.

Cette technologie est présentée comme un des moyens d’assurer la transition énergétique. Mais quel est le coût de la tonne de CO2 évitée? Rien n’est dit sur ce point majeur. Il devrait se situer à des niveaux de plusieurs centaines d’euros à la tonne de CO2 alors que le prix du CO2 sur le marché européen stagne à moins de 10 euros par tonne et qu’il existe de nombreuses technologies de réduction des émissions à un coût inférieur à 30 euros par tonne.

Avant d’engager des développements aussi coûteux, il aurait été souhaitable de recueillir l’avis d’experts compétents. Cela ne semble pas le cas dans la mesure où l’avis du Conseil scientifique de l’Ademe n’a pas été sollicité. Cette technologie n’est pas nouvelle. Ce qui est nouveau, c’est d’avoir trouvé un État prêt à dépenser beaucoup d’argent. Ceci a fait dire à Jenny Chase, directrice des analyses solaires au sein de Bloomberg New Energy Finance : « les routes solaires semblent être un moyen de subventionner les entreprises françaises, pas de produire de l’électricité » Espérons que les emplois créés seront durables…

Les autres articles de Olivier Appert

Commentaire

guillemard

Tout a fait de votre avis, c'est un gaspillage de l'argent public, comme beaucoup d'autres initiatives sans reflexions

Salto

"... Mais quel est le coût de la tonne de CO2 évitée? Rien n’est dit sur ce point majeur. Il devrait se situer à des niveaux de plusieurs centaines d’euros à la tonne de CO2 alors que le prix du CO2 sur le marché européen stagne à moins de 10 euros par tonne ..."

Je ne comprends pas comment on peut calculer le coût de la tonne de CO2 évitée avec un tel projet !...

beltrandi

Bonjour
Comment soutenir un tel projet, alors qu'à l'évidence tout s'y oppose??
l'encrassement du revêtement, le fait de la circulation des véhicules sur sa surface.
Sa durée dans le temps, du à l'usure de la circulation, quand on sait que les panneaux solaires ont une durée de 20/25 ans pour être rentables, il est impensable que ce revêtement dure assez longtemps pour être amorti.
Sa conception verticale etc.....
Il y a toujours des projets ahurissants dont les dessous sont mystérieux et coûtent très chers à l'exemple les avions renifleurs sous Giscard d’Esteing et autres projets à financements à fonds perdus (pour le contribuable)

GUEMY

Pour l'heure, la route solaire est un formidable vecteur de communication pour le ministère et pour C..., filiale de B... Plus on en parle, plus...
Ne pourrait on tout simplement concevoir et installer des murs antibruit solaires, orientés Sud et disposant de la "bonne" inclinaison, le long des axes routiers urbains à forte circulation - ex : boulevard périphérique...

Blaizot

il y a tant à faire en solaire avant surtout là où il y a du soleil (on doit trouver mieux que la Vendée comme ensoleillement) par exemple en...Afrique du Nord ! ou le entreprises françaises pourraient se placer...royalement ?

Deckers

Pourquoi a t'ont abandonné le projet de Désert- tech c'était une idée génial autant pour l’Europe que les pays du Maghreb,
et il y a tant d'autre système pour l'énergie également la récupération des vapeurs des tours de refroidissement des centrale classique et nucléaire !

LEVIER

Avec un ensoleillement moyen annuel de 1 300 h , la France est très mal placée pour la route solaire Colas. En plus d'un trafic dense, l'encrassement inévitable, une durée de vie aléatoire et un coût du MWh exorbitant , cette innovation ne sera pas une réussite. Peut-être valable pour les pistes du Sahara peu fréquentées ?

ROGER

Je suis riverain de cette route solaire: rouler sur ces panneaux génère un fort bruit de roulement difficilement supportable dans le véhicule . de plus ce bruit de roulement est une vrai nuisance sonore pour les riverains ; j'attends des relevés de niveau sonore à ce sujet . 5 ans d'étude sur ce projet et ne pas anticiper cette nuisance sonore me surprend beaucoup !!!

Ajouter un commentaire

Image CAPTCHA
Saisir les caractères affichés dans l'image.

Sur le même sujet