L’APP appelle à soutenir toutes les initiatives publiques et privées visant à améliorer l’accès à l’électricité en Afrique, notamment le « New Deal » pour l’énergie en Afrique, lancé sous l’égide de la Banque africaine de développement. (©EDF-Philippe Eranian)
Près de 1,2 milliard de personnes n’ont pas accès à l’électricité dans le monde à l’heure actuelle. Et plus de la moitié de cette population dépourvue d’électricité vit en Afrique. L’Africa Progress Panel a publié lundi un rapport insistant sur la nécessité d’accélérer l’électrification du continent africain. Présentation.
Un nouvel appel pour accélérer l’électrification de l’Afrique
Les près de 620 millions d’Africains n’ayant pas accès à l’électricité aujourd’hui « ne peuvent pas attendre et ne devraient pas avoir à le faire », juge l’ancien Secrétaire général des Nations Unies Kofi Annan qui préside l’Africa Progress Panel (APP), un groupe de dix personnalités œuvrant pour l’amélioration des politiques publiques en Afrique. Ce groupe vient de remettre un rapport visant, selon les termes de Kofi Annan, à servir de « catalyseur pour l’adoption de mesures complémentaires » en matière d’électrification du continent africain.
« Il nous faut électrifier l’Afrique plus rapidement », martèle Kofi Annan qui rappelle que la construction et l’extension des grands réseaux électriques est un processus centralisé, donc lent, ce qui freine actuellement le développement de l’Afrique. D’autres options existent pour « aller plus vite » selon l'APP, à savoir le développement décentralisé de mini-réseaux électriques et de générateurs d’énergie solaire indépendants (hors réseau).
L’APP salue les différentes initiatives auxquelles participent déjà les gouvernements africains : Initiative Énergie durable pour tous (SE4All), Initiative africaine pour les énergies renouvelables (lancée lors de la COP21), etc. Elle appelle toutefois à une mise en œuvre plus rapide des mesures associées, avec un « soutien international accru et de meilleur qualité », tant d’un point de vue technique que financier. « Si l’argent ne commence pas à affluer en 2017, les pays pourraient bien perdre courage », juge Kofi Annan.
L’accès à l’électricité en Afrique en quelques chiffres
Depuis l’an 2000, près de 140 millions d’Africains supplémentaires ont eu accès à l’électricité. Le rythme de l’électrification est toutefois moins rapide que la croissance démographique du continent. Près des deux tiers de la population d'Afrique subsaharienne n’ont ainsi toujours pas accès à l’électricité et l’APP évalue l’augmentation possible du nombre de personnes dépourvues d’électricité à 45 millions d’ici à 2030, « à moins que la cadence de l’électrification ne s’accélère » (ou avec une plus faible démographie que les prévisions actuelles).
Précisions que la population de l’Afrique pourrait atteindre 2,5 milliards de personnes d’ici à 2050, la moitié de cette population vivant en ville à cet horizon (contre à peine plus d’un tiers aujourd’hui), « faisant peser d’énormes contraintes sur l’infrastructure énergétique », précise l’APP.
Pour rappel, un habitant en Afrique subsaharienne (hors Afrique du Sud) consomme en moyenne 160 kWh par an, soit environ 80 fois moins qu’un Américain. Au total, un pays de 94 millions d’habitants comme l’Éthiopie consomme chaque année l’équivalent d’un tiers de l’électricité utilisée annuellement par la ville de Washington DC (600 000 habitants). Notons qu’il existe d’importantes disparités au sein même du continent africain. L’Afrique du Sud consomme ainsi 9 fois plus d’électricité que le Nigéria, alors qu’elle compte trois moins d'habitants.
Selon l'APP, près de 87% des Africains sont actuellement dépourvus d'électricité ou disposent d'un accès faible ou très faible à l'électricité. (©African Progress Panel)
Des solutions multiples et des recommandations
Sur les 315 millions de personnes qui pourraient avoir accès à l’électricité dans les zones rurales d’ici à 2040, près de 30% seulement seront raccordées aux réseaux électriques nationaux selon l’APP. La majorité disposera ainsi d’électricité grâce à des installations photovoltaïques à usage domestique (hors réseau) ou grâce à des mini-réseaux. L’APP recommande ainsi d’ « augmenter de façon massive les investissements en faveur de diverses solutions énergétiques, que ce soit dans les projets de réseaux ou hors réseau » (en particulier dans les mini-réseaux, plus économiques et plus rapides à mettre en place).
L’APP cite notamment l’initiative d’Évariste Akoumian en Côte d’Ivoire qui fabrique des sacs à dos pourvus de panneaux photovoltaïques et de petites batteries. Ces dernières stockent de l’électricité en journée, notamment lors du trajet à pied des enfants se rendant à l’école, et la restituent la nuit tombée : l’électricité disponible suffit à « faire fonctionner une lampe pendant quatre à cinq heures » selon l’APP.
Le rapport de l’APP ne préconise toutefois pas de délaisser les modèles de grands réseaux. Il recommande d’ailleurs de développer les interconnexions transfrontalières pour augmenter les échanges d’électricité en Afrique subsaharienne. Le renforcement des réseaux électriques existants, « jusqu’alors peu fiables », constitue également un défi majeur en Afrique. L’APP déplore en particulier les pertes d’énergie très importantes sur les réseaux et les nombreux vols d’électricité, provenant y compris d’institutions publiques : non-paiement des factures, raccordements illégaux, modifications frauduleuses des compteurs, etc. Pour les dirigeants africains, « le moment est venu d’agir » sur ces multiples terrains, insiste ainsi Kofi Annan en conclusion de l’avant-propos du rapport.