Éolienne à côté de tours aéroréfrigérantes de la centrale nucléaire de Cruas. (©EDF-William Beaucardet/PWP)
RTE a présenté ce 25 octobre les « principaux enseignements » de sa grande étude prospective baptisée « Futurs énergétiques 2050 »(1). Un travail « inédit dans son ampleur et par le niveau de concertation qu’il a nécessité », précise le gestionnaire du réseau de transport d’électricité. Présentation en infographies.
Le cadre de l’étude prospective de RTE
Cela fait plus de 2 ans que RTE prépare sa publication « Futurs énergétiques 2050 » sur l’évolution du système électrique de la France. Alors que les études prospectives du gestionnaire de réseau ont classiquement « une échéance de 10 à 15 ans », cette étude a « un horizon de 30 ans » et elle intègre les scénarios du GIEC, souligne Xavier Piechaczyk, Président du Directoire de RTE. Ce travail de prospective a été construit en suivant « une démarche inédite en matière de concertation », impliquant près de 120 organisations : tous les paramètres de l’étude ont été discutés en cherchant les meilleurs compromis possibles sur différentes hypothèses. Une consultation publique sur ces scénarios a reçu près de 4 000 réponses.
L’étude prospective présentée par RTE prend pour « cadre de référence » la dernière version de la Stratégie nationale bas-carbone (SNBC), publiée en 2020, qui vise à atteindre la neutralité bas carbone à l'horizon 2050. Autrement dit, tous les scénarios présentés par RTE doivent respecter cet objectif, le travail de prospective devant permettre de « comprendre et d’anticiper ses implications » tout en préparant « la révision de la stratégie française pour l’énergie et le climat qui aura lieu en 2023 dans le cadre d’une loi de programme ».
L’objectif de neutralité carbone implique de « sortir » des énergies fossiles qui « satisfont aujourd’hui une consommation finale de plus de 930 TWh par an, contre 430 TWh pour l’électricité », souligne RTE. Il est également rappelé que « si le nucléaire représente bien 70% de l’électricité produite en France, il représente moins de 20 % de l’énergie finale utilisée par les Français ».Tous les mix électriques étudiés par RTE ont pour principe général de garantir la sécurité d’approvisionnement de la France dans le futur, assure le gestionnaire de réseau(2).
Ce 25 octobre, RTE a dévoilé une présentation de 64 pages des principaux résultats ainsi qu'une partie des « chapitres du rapport complet qui seront mis en ligne progressivement ». Des analyses approfondies suivront au 1er trimestre 2022.
Les hypothèses d’évolution de la consommation
Dans sa trajectoire de référence, RTE retient une consommation annuelle d’électricité de 645 TWh à l’horizon 2050, soit 35% de plus que le niveau de 2020. Cette évolution traduit l’électrification des usages attendue (en substitution aux énergies fossiles : mobilité, procédés industriels, chauffage, etc.). Les prévisions d’évolution de la consommation d’électricité ont également été très nettement revues à la hausse ces dernières années par RTE pour tenir compte de nouvelles stratégies annoncées (objectif de neutralité carbone, développement de la production bas carbone d’hydrogène par électrolyse de l’eau, etc.).
Si cette hausse de la consommation électrique n’atteint « que » 35% d’ici à 2050, c’est grâce aux progrès d’efficacité énergétique attendus. La stratégie nationale bas carbone estime que l’amélioration de l’efficacité énergétique (réduction des consommations unitaires des équipements de la maison, comme l’éclairage, l’électroménager ou l’informatique, politiques de rénovation des bâtiments, efficacité liée à l’électrification des usages, etc.) va permettre de diminuer de 40% l’ensemble des consommations énergétiques de la France d’ici 2050.
Autrement dit, « la consommation d’énergie va fortement baisser tandis que celle d’électricité va augmenter pour se substituer aux énergies fossiles », synthétise RTE. De ce fait, la part de l’électricité dans la consommation d’énergie finale pourrait passer de 25% à l’heure actuelle à 55% en 2050 selon la trajectoire de référence de RTE. Le gestionnaire de réseau en tire le premier des grands enseignements de son étude prospective : « agir sur la consommation grâce à l’efficacité énergétique, voire la sobriété est indispensable pour atteindre les objectifs climatiques » de la France.
RTE a également étudié deux grandes trajectoires alternatives (d'autres variantes sont également mentionnées(3)) : une trajectoire « de sobriété » impliquant d'importants changements de comportements(4) (consommation attendue de 555 TWh en 2050) et une trajectoire de « réindustrialisation profonde »(5) (consommation de 752 TWh en 2050).
6 scénarios d’évolution de la production
Les scénarios d’évolution de la production française d'électricité d’ici 2050 présentés par RTE sont au nombre de 6. Ils peuvent être classés en 2 grandes « familles » : les scénarios « M » visant à se passer du nucléaire et à faire reposer la production électrique à 100% sur les énergies renouvelables à l’horizon 2050 ou 2060 et les scénarios « N » ayant recours au nucléaire (avec une part de 26% à 50% dans le mix électrique de 2050).
Tous ces scénarios impliquent un « développement significatif des énergies renouvelables » jugé indispensable pour atteindre la neutralité carbone en 2050. RTE précise par ailleurs que « se passer de nouveaux réacteurs nucléaires implique des rythmes de développement des énergies renouvelables plus rapides que ceux des pays européens les plus dynamiques » (un rythme de développement plus rapide que celui de l’Allemagne pour les installations solaires et éoliennes à terre, et que celui du Royaume-Uni pour les installations éoliennes en mer). En réponse aux doutes émis quant aux scénarios 100% renouvelables, Thomas Veyrenc, directeur en charge du pôle Stratégie, Prospective et Évaluation de RTE, rappelle ainsi qu’il s’agit d’un « chemin possible mais sûrement pas facile du point de vue des rythmes ».
Toutes les implications des scénarios en matière de besoin de flexibilité sont précisées dans l'étude prospective de RTE afin de garantir l’équilibre du réseau : dans le scénario « M0 » sans nucléaire en 2050, RTE estime par exemple que le système électrique devrait, pour pallier la variabilité des filières renouvelables, pouvoir entre autres s’appuyer sur 26 GW de capacités de stockage par batterie, de 15 GW de demande « pilotable », de 1,1 million de véhicules électriques pouvant restituer de l’électricité sur le réseau (vehicle-to-grid) et de 29 GW de nouvelles centrales thermiques « décarbonées » (alimentées par de l’hydrogène « vert » ou par d'autres gaz « renouvelables »).
« Construire de nouveaux réacteurs nucléaires est pertinent du point de vue économique »
Dans son étude prospective, RTE détaille également le coût global du système électrique d'ici à 2060 dans ses différents scénarios. Il ressort que « construire de nouveaux réacteurs nucléaires est pertinent du point de vue économique, a fortiori quand cela permet de conserver un parc d’une quarantaine de GW en 2050 (nucléaire existant et nouveau nucléaire) », indique le gestionnaire de réseau.
Ce sont les « coûts des flexibilité » qui diffèrent fortement d’un scénario à un autre : les mix « M » visant à atteindre des scénarios 100% renouvelables supposent sans surprise de se doter de moyens très importants de flexibilité et les coûts complets annualisés du système électrique sont dans ce cas estimés entre 71 et 80 milliards d’euros par an d’ici à 2060 (contre 59 à 66 milliards d’euros par an pour les scénarios ayant recours au nucléaire).
Dans tous les scénarios, « les réseaux électriques doivent être rapidement redimensionnés pour rendre possible la transition énergétique », précise RTE. Sachant que le coût complet du système électrique est estimé aujourd’hui par le gestionnaire de réseau à près de 45 milliards d’euros par an, la hausse de ce coût rapportée à la consommation ne serait en moyenne que « d’environ 15% sur 40 ans » selon RTE (alors même que la facture énergétique de la France liée aux importations d'énergies fossiles baisserait de plus en plus).
Le gestionnaire de réseau insiste sur le fait qu’il présente bien des coûts pour le système électrique et non des prix finaux : il ne se prononce ainsi pas sur les futures factures d’électricité des Français, qui sont aujourd’hui fortement affectées par les cours de marché et dont l'évolution dépendra entre autres de l’évolution des taxes.
Le gestionnaire de réseau souligne enfin « l’urgence que la France se positionne » sur son futur système électrique qui sera structurant, quel que soit le scénario retenu(6).