La guerre en Ukraine a eu un impact majeur sur le marché du GNL et les exportations américaines vers l’Europe. Ici, le terminal d'exportation de GNL de Cheniere Energy à Sabine Pass, dans le Golfe du Mexique. (©Cheniere Energy)
Dans une analyse des risques futurs d’approvisionnement gaziers pour l’Union européenne(1), le Shift Project décrit les « immenses incertitudes découlant de l’évolution possible de la situation en Ukraine d’une part, et des relations entre la Russie et l’UE ».
Quels approvisionnements russes et quelles conséquences ?
En 2022, la consommation de gaz de l’Union européenne se situe autour de 366 milliards de m3 (Gm3), selon le Shift Project. Et les États membres sont massivement importateurs de gaz, « avec environ 70% de ses approvisionnements venant jusqu’ici par gazoduc d’essentiellement trois pays, par ordre d’importance : la Russie, la Norvège et l’Algérie ». « Jusqu’à début 2022, le gaz russe couvrait environ 40% des importations totales de l’UE », rappelle le Shift Project : la Russie a fourni 154 Gm3 de gaz à l'UE en 2021, soit 37,2% de la consommation cumulée des États membres.
Pour les années à venir, le Shift Project évoque entre autres 2 scénarios(2) :
- « en cas d’arrêt durable des approvisionnements russes », la part des approvisionnements gaziers de l'UE « non identifiés atteindrait en 2025 pas moins de 40% de la demande de l’Union à cette date, soit l’équivalent des exportations actuelles du Qatar » .
- si au contraire les volumes d’approvisionnements russes sont « rapidement rétablis au niveau prévu par les contrats existants » , et si la demande de l’UE diminue « fortement, mais cependant moins vite que d’après ses objectifs climatiques, 12% des sources d’approvisionnement de l’UE restent pour l’heure non identifiées à l’horizon 2025 », selon le Shift Project.
Ces volumes non identifiés sont « susceptibles d’être fournis soit grâce à de futurs contrats sur le marché mondial du GNL livré par navire méthanier, soit grâce à une hypothétique normalisation des relations avec la Russie », précise le Shift Project.
GNL : une concurrence accrue et un pari risqué ?
Le développement « d’une vive concurrence d’approvisionnement sur le marché du GNL est à redouter entre l’Europe de l’Ouest et l’Est de l’Asie d’une part, entre ces deux régions et les pays en développement importateurs d’autre part, et enfin à l’intérieur même de l’Union européenne », prévient le Shift Project.
Rappelons que les importations de GNL en Europe ont augmenté de près de 64% au cours des 10 premiers mois de 2022 par rapport à la même période en 2021 (+ 5,1% au niveau mondial), selon les dernières données du GIIGNL(2). Dans le même temps, ces importations ont baissé de 7% en Asie, principale zone de destination des flux mondiaux de GNL.
Le Shift Project précise que ses « estimations des besoins d’approvisionnements mondiaux et des volumes d’exportations futurs de GNL font apparaître une situation très précaire sur le marché mondial de GNL à l’horizon 2025, puis un possible net décalage entre offre et demande ».
En définitive, « la transformation vers une économie sobre en énergie et en matière, avec le développement de sources d'énergie bas-carbone, apparaît comme un enjeu existentiel pour l'UE, face à l'ampleur des risques et incertitudes que cumule notre situation précaire », conclut le Shift Project.